Green Friday : et si « ne pas acheter » devenait un acte de liberté ?

Chaque novembre, les enseignes rivalisent d’ingéniosité pour nous inciter à craquer lors du Black Friday. Pourtant, un mouvement alternatif gagne du terrain : le Green Friday. Loin d’être une simple journée de boycott, c’est une invitation à repenser notre rapport à la consommation et à redécouvrir ce qui compte vraiment.

Quand j’ai découvert ce concept il y a quelques années, j’ai été frappée par cette idée : « ne pas acheter » peut être un choix positif, libérateur, et non une privation. Le Green Friday propose une autre voie, celle d’une consommation consciente et durable, respectueuse de l’environnement et des êtres humains.

Une contre-culture née en réaction au consumérisme

Le Green Friday trouve ses racines dans le Buy Nothing Day (Journée sans achat), né au Canada en 1992. Ce mouvement appelait à s’abstenir de tout achat le lendemain de Thanksgiving, en protestation contre la frénésie consumériste. En 2015, le Green Friday s’est structuré autour de ces mêmes valeurs, en réponse directe au Black Friday.

Pourquoi cette opposition ? Parce que le Black Friday a un coût environnemental considérable. Les réductions attractives encouragent les achats impulsifs : on accumule des objets dont on n’a pas vraiment besoin. Résultat ? Environ 80 % des produits achetés lors du Black Friday finissent en décharge ou incinérés après une courte durée d’utilisation.

À cela s’ajoute l’impact des livraisons. Les expéditions liées au e-commerce représentent jusqu’à 4 % des émissions mondiales de carbone, avec des pics spectaculaires pendant le Black Friday et les fêtes de fin d’année. Rien qu’au Royaume-Uni, en 2020, les livraisons du Black Friday ont généré près de 429 000 tonnes de gaz à effet de serre.

Face à cette culture du jetable, le Green Friday prône la durabilité, la longévité et la production éthique.

« Ne pas acheter » : un geste loin d’être passif

Quand on entend « ne pas acheter », on imagine souvent une forme de restriction. Mais le Green Friday transforme ce geste en acte de résistance conscient et positif.

Ce choix porte plusieurs dimensions. D’abord, c’est une protestation contre la surconsommation : refuser les soldes, c’est dire « non » à un système qui nous pousse à consommer sans réfléchir. Ensuite, c’est un moyen direct de réduire les déchets : éviter les achats superflus empêche que ces objets finissent à la poubelle.

Mais ce qui me touche le plus, c’est la dimension de réévaluation de nos priorités. Le Green Friday nous invite à privilégier la valeur à long terme plutôt que l’euphorie éphémère d’une bonne affaire. Au lieu de courir les magasins, on peut consacrer ce temps à des expériences qui nous nourrissent vraiment : sortir dans la nature, passer du temps avec nos proches, investir dans des causes qui nous tiennent à cœur.

Remplacer le shopping compulsif par des moments authentiques, c’est l’essence même du Green Friday.

Les bienfaits psychologiques de la déconsommation

Adopter les principes du Green Friday procure une véritable richesse psychologique.

Moins de stress, d’abord. En échappant au chaos du Black Friday et à la course aux réductions, on retrouve un sentiment de calme. Passer du temps en pleine nature devient une façon de décompresser, loin de l’agitation marchande.

Un sentiment d’accomplissement, ensuite. Privilégier un bonheur non matérialiste — en donnant, en investissant dans l’avenir ou en se concentrant sur nos relations — apporte une satisfaction bien plus profonde. Faire don de l’argent économisé ou l’utiliser pour ses proches augmente notre niveau de contentement.

Enfin, la gratitude. Au lieu de se laisser entraîner par le tourbillon des promotions, on reconnait la valeur de ce que l’on possède déjà et des liens qui nous entourent. C’est une réponse à une question essentielle : comment voulons-nous vraiment vivre ?

Les idées d’un Week-end sans dépenser

Privilégier la valeur plutôt que le prix bas

Alors que le Black Friday mise tout sur les prix cassés, le Green Friday se concentre sur la vraie valeur des produits.

D’ailleurs, les « bonnes affaires » du Black Friday ne sont pas toujours si avantageuses. Une étude de 2022 a révélé que la réduction moyenne n’était que de 4 %, et que 56 % des produits étaient moins chers à un autre moment de novembre. Acheter uniquement pour le prix bas, c’est souvent sacrifier l’environnement ou céder à la tentation d’acquérir l’inutile.

Le Green Friday défend l’idée d’« acheter moins et acheter mieux » (buying less and buying better). Cette philosophie, résumée par la devise du roi Charles III — « Acheter une fois, acheter bien » (Buy once, buy well) — encourage à investir dans des objets durables, de qualité, qui traverseront le temps.

Il s’agit de valoriser la finalité plutôt que la possession, de choisir avec intention plutôt que par impulsion.

Quand les marques refusent de brader

Un nombre croissant d’entreprises soutient les valeurs du Green Friday. En refusant les réductions massives et en affichant une position éthique claire, elles renforcent la confiance et la fidélité de leurs clients.

Ecoalf, marque de mode durable espagnole, s’oppose systématiquement aux soldes depuis sa création en 2009. Le prix de ses produits reflète la vraie valeur de son processus d’innovation, qui a permis de créer plus de 500 tissus recyclés à partir de plus de 250 millions de bouteilles en plastique.

Patagonia a reversé 100 % de ses ventes du Black Friday 2016 à des organisations environnementales. REI, détaillant américain de plein air, ferme ses magasins le Black Friday et encourage ses employés et clients à passer la journée dehors via sa campagne #OptOutside. IKEA a promu le rachat de meubles d’occasion dans le cadre de son Green Friday, favorisant ainsi l’économie circulaire.

Ces entreprises utilisent le Green Friday pour communiquer leur engagement envers la responsabilité sociale et environnementale.

Le Green Friday s’installe aussi au Japon

Au Japon, des initiatives alignées avec les principes du Green Friday émergent progressivement.

Depuis 2020, Mercari, plateforme de seconde main japonaise, organise des actions « Green Friday » pour lutter contre le gaspillage textile. En 2024, au Tokyu Plaza Harajuku, l’entreprise a organisé un défilé de mode durable et un stand d’échange où 285 personnes ont participé, permettant à 678 vêtements de trouver de nouveaux propriétaires.

Site officiel Mercari

La Sharing Economy Association et 15 entreprises de services de partage ont mené pour la troisième année consécutive le projet « GO GREEN », changeant leurs logos en vert pendant le Black Friday pour promouvoir une consommation alternative basée sur le partage.

Kuradashi a organisé une campagne de réduction du gaspillage alimentaire, reversant 50 yens à des organisations environnementales pour chaque utilisation d’un coupon. Back Market encourage l’utilisation de produits reconditionnés, contribuant à réduire les déchets électroniques et les émissions de CO2.

Site officiel Kuradashi

Ces exemples montrent que le mouvement gagne du terrain, même dans une société encore marquée par une culture de consommation intensive.

Comment célébrer votre Green Friday ?

Concrètement, comment passer un Green Friday ?

Se reconnecter à la nature. Éteignez vos écrans et sortez : forêt, parc, montagne, lac. Randonnée, vélo, jogging… Bouger fait du bien. Vous pouvez même essayer le « plogging », cette pratique suédoise qui consiste à ramasser des déchets en courant.

Valoriser les liens humains. Passez plus de temps avec vos proches. Organisez un repas durable, un échange de vêtements entre amis ou en famille. Ces moments simples créent de la richesse relationnelle.

Donner ou investir en soi. Faites du bénévolat, soutenez une association environnementale, ou consacrez du temps à des activités créatives : peinture, cuisine, musique. Apprenez via des livres ou documentaires sur l’écologie. Investissez dans votre bien-être mental par la méditation ou le yoga.

Si vous devez acheter, choisissez durable. Prenez le temps de réfléchir avant d’acheter. Créez une liste et tenez-vous-y. Privilégiez les produits de qualité, les marques écoresponsables, l’occasion ou le vintage. Réparez ce que vous possédez déjà pour prolonger la durée de vie des objets.

Partagez sur les réseaux. Avec le hashtag #GreenFriday, diffusez les valeurs de ce mouvement. Votre action, même simple, peut inspirer d’autres personnes.

L’abondance par le choix, non par la consommation

L’espace et le temps qui s’ouvrent lorsqu’on n’achète pas sont précieux. C’est une occasion de se retrouver avec soi-même et de réfléchir à ce qui compte vraiment.

Pendant longtemps, nous avons cru que posséder était la preuve de l’abondance. Aujourd’hui, l’idée d’une « abondance sans possession » gagne du terrain. Le Green Friday n’est pas qu’un jour sans achat : c’est un jour pour reconsidérer ce qu’est l’abondance pour chacun d’entre nous.

Réduire ses possessions peut être le premier pas vers l’épanouissement de l’esprit. Ce mois de novembre, pourquoi ne pas explorer ensemble de nouvelles formes de richesse ?

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