Introduction : quand l’éco-anxiété rencontre l’inspiration
Nous sommes nombreux à ressentir cette tension intérieure : l’envie sincère d’adopter un mode de vie durable, mais aussi ce sentiment d’impuissance face à l’immensité des défis environnementaux. Que peut vraiment changer mon sac réutilisable ? Mon compost ? Mes choix au supermarché ? Ces questions, nous nous les posons tous.
C’est dans ces moments de doute que les paroles de Jane Goodall résonnent avec une force particulière. Cette primatologue britannique, pionnière de la recherche sur les chimpanzés, est devenue au fil des décennies bien plus qu’une scientifique : une voix mondiale pour l’environnement, portée par une conviction profonde et contagieuse. Pour elle, chaque geste compte. Chaque individu peut faire la différence.
Jane Goodall : une vie guidée par la curiosité et la persévérance
Née dans les années 1930 dans une famille britannique modeste, Valerie Jane Morris-Goodall n’avait pas le profil type d’une future scientifique de renom. Jeune fille introvertie mais fascinée par la nature, elle a grandi avec les encouragements constants de sa mère Vanne, qui lui répétait inlassablement : « Never give up ! » — n’abandonne jamais.
Sans formation scientifique formelle, Jane Goodall s’est lancée en 1960 dans une aventure extraordinaire : partir observer les chimpanzés sauvages à Gombe, en Tanzanie, sous la supervision de l’anthropologue Louis Leakey. Ce qui devait être une simple étude de terrain s’est transformé en révolution scientifique. En observant des chimpanzés utiliser des brindilles pour « pêcher » des termites, elle a fait vaciller une certitude bien ancrée : l’utilisation d’outils n’était plus l’apanage exclusif de l’être humain. Louis Leakey lui-même a déclaré : « Nous devons soit redéfinir l’homme, soit redéfinir l’outil, soit accepter les chimpanzés comme des êtres humains. »
Mais le véritable tournant de sa vie s’est opéré dans les années 1980. Confrontée à la destruction des habitats naturels et aux conditions effroyables dans lesquelles vivaient les chimpanzés en captivité, Jane Goodall a compris qu’elle ne pouvait plus rester simple observatrice. Elle est devenue militante, éducatrice, voyageuse infatigable — plus de 300 jours par an sur les routes du monde entier pour sensibiliser, collecter des fonds, inspirer.
Des mots qui mènent à l’action
Ce qui rend Jane Goodall si inspirante, ce ne sont pas seulement ses découvertes scientifiques. Ce sont ses mots, simples mais puissants, qui nous poussent à passer à l’action.
« Chaque individu compte, qu’il soit humain ou animal. Chacun peut faire la différence. »
Cette phrase est au cœur de Roots & Shoots, le programme mondial qu’elle a créé en 1991 pour encourager les jeunes à s’engager. Le message est universel : chaque vie a de la valeur, et nos choix quotidiens façonnent la planète que nous habitons.
« Si vous renoncez à l’anthropocentrisme cruel et à la cruauté, vos actions personnelles feront de la Terre un endroit meilleur. »
Jane Goodall a toujours donné des noms aux chimpanzés qu’elle étudiait — David Greybeard, Flo — au lieu de les réduire à des numéros. Un geste symbolique fort, qui invite à abandonner cette vision dominatrice où l’humain se place au centre de tout. L’empathie et le respect deviennent alors les fondations d’un mode de vie véritablement durable.
Les petits pas du quotidien : transformer la philosophie en gestes concrets
Mais concrètement, comment appliquer cette philosophie dans nos vies souvent chargées, entre travail, famille et obligations ? Jane Goodall elle-même en est l’exemple vivant : malgré un emploi du temps intense, elle maintient sa concentration et sa conscience. C’est précisément cette attention au présent qui permet d’agir avec sens.
La consommation consciente : réfléchir avant d’acheter
Le concept de « mindful eating » — l’alimentation consciente — que défend Jane Goodall commence par une question simple : d’où vient ce que je mange ? Comment a-t-il été produit ?
Il ne s’agit pas de bouleverser toute notre vie du jour au lendemain, mais d’intégrer progressivement des habitudes plus réfléchies :
- Privilégier les produits locaux et de saison
- Choisir le bio quand c’est possible
- Réduire les emballages plastiques
- Éviter la surconsommation et le gaspillage
Ces gestes quotidiens répondent directement aux deux grandes crises qu’elle dénonce : la pollution et la surconsommation. Chaque décision d’achat devient un vote pour le monde que nous voulons construire.
Le carnet d’observation : retrouver le regard de l’enfance
Enfant, Jane Goodall passait des heures à observer les poules de la ferme familiale, fascinée par leur processus de ponte. Cette capacité d’attention, cette curiosité patiente, nous pouvons tous la cultiver.
Tenir un carnet d’observation, même simple, peut transformer notre rapport au monde :
- Date, heure, lieu : ancrer l’observation dans le réel
- Sujet observé : un oiseau, une plante, même nos propres habitudes
- Description factuelle : noter ce qui se passe, sans jugement
- Réflexions : que m’apprend cette observation ? Qu’ai-je envie d’explorer ensuite ?
Cette pratique développe notre conscience écologique naturellement, en nous reconnectant à notre environnement immédiat.
L’impact communautaire : essaimer les petites idées
Roots & Shoots, créé en 1991, illustre parfaitement cette puissance de la multiplication des petits gestes. En encourageant les jeunes à mener des projets locaux — pour les animaux, les personnes, l’environnement —, le programme a essaimé dans le monde entier.
Nous pouvons tous devenir ces relais d’inspiration :
- Partager nos réussites et nos astuces avec nos proches
- Proposer des initiatives au travail (gobelets réutilisables, compost collectif)
- Rejoindre ou créer des groupes locaux d’engagement écologique
C’est en tissant ces réseaux que les petits pas deviennent mouvement collectif.
Trois étapes pour passer de « Que puis-je faire ? » à l’action
L’engagement de Jane Goodall nous offre une méthode claire pour sortir de la paralysie :
1. Prendre conscience de la situation
Reconnaître les problèmes : destruction des écosystèmes, surconsommation, inégalités. Pas pour culpabiliser, mais pour comprendre.
2. Observer avec empathie
Comme Jane Goodall l’a fait avec chaque chimpanzé, porter attention à ce qui nous entoure : qui ou quoi est affecté par ces crises ? Cette plante qui disparaît de notre quartier, cette espèce d’oiseau qu’on n’entend plus, cette personne précaire près de chez nous.
3. Choisir de petites actions
Identifier un domaine qui nous touche particulièrement et agir concrètement. Pas besoin de tout révolutionner : un geste testé, qui fonctionne, vaut mieux que dix intentions jamais réalisées.
Garder espoir : le message essentiel de Jane Goodall
Aujourd’hui âgée de plus de 90 ans, Jane Goodall parcourt toujours le monde pour transmettre son message des « Raisons d’espérer ». Ce qui la porte ? Les gestes des citoyens ordinaires qu’elle inspire partout où elle passe.
Consommation éthique, engagement associatif, protection animale, éducation à l’environnement : tout cela fait partie de ces petits pas qui, mis bout à bout, transforment le monde.
Les paroles de sa mère résonnent encore : « Never give up ! » Jane Goodall a surmonté tous les obstacles — le sexisme du milieu scientifique, l’absence de formation académique, les doutes — pour nous montrer qu’une passion personnelle peut mener à des actions d’envergure mondiale.
Conclusion : et si demain, vous commenciez ?
L’histoire de Jane Goodall nous enseigne une vérité essentielle : nous ne sommes pas impuissants face à l’immensité des crises environnementales. Chaque choix compte. Chaque geste s’inscrit dans une chaîne d’actions qui façonnent l’avenir.
La prochaine fois que vous ferez vos courses, prenez un moment pour observer vos choix. D’où vient ce produit ? Comment a-t-il été fabriqué ? Cette simple attention est déjà un premier pas.
Parce qu’au fond, vivre durablement ne commence pas par de grands sacrifices. Cela commence par une conscience renouvelée, une empathie élargie, et la conviction profonde que oui, chaque individu compte. Que vous comptez.
Never give up.
Sources:
Barnet, Andrea. 2018. Visionary Women: How Rachel Carson, Jane Jacobs, Jane Goodall, Alice Waters Changed Our World. New York: HarperCollins Publishers.
Goodall, Jane. 2010. Jane Goodall: 50 Years at Gombe. New York: Stewart, Tabori & Chang.
Peterson, Dale. 2008. Jane Goodall: The Woman Who Redefined Man. Boston: Houghton Mifflin.
Peterson, Dale, and Marc Bekoff, eds. 2015. The Jane Effect: Celebrating Jane Goodall. San Antonio, TX: Trinity University Press.