Écoféminisme : quand l’écologie et le féminisme se rencontrent pour un avenir durable

À première vue, la destruction de l’environnement et les inégalités entre les genres semblent appartenir à deux combats distincts. Pourtant, ces deux enjeux partagent une origine commune : des systèmes de domination qui exploitent aussi bien la nature que les personnes les plus vulnérables. C’est précisément ce constat qui fait naître l’écoféminisme, un courant de pensée qui tisse des liens profonds entre écologie et féminisme.

Loin d’être une mode passagère, l’écoféminisme propose une vision du monde radicalement différente : celle d’une société où le soin, l’interdépendance et la coexistence remplacent la compétition et la domination. Dans un contexte où les crises environnementales s’intensifient et où les inégalités persistent, cette approche résonne avec force. Elle nous invite à repenser non seulement notre rapport à la nature, mais aussi nos modes de vie quotidiens.

Qu’est-ce que l’écoféminisme ?

L’écoféminisme est une pensée qui unit féminisme et écologie autour d’une conviction centrale : l’oppression des femmes et l’exploitation de la nature sont liées par des logiques identiques. Ces deux formes de domination s’appuient sur les mêmes structures idéologiques qui hiérarchisent et dévaluent ce qui est perçu comme « autre » ou « inférieur ».

Quand les luttes se rejoignent

Dans la pensée écoféministe, les problèmes environnementaux — déforestation, pollution des eaux, accumulation de déchets toxiques — ne sont pas seulement des questions techniques ou scientifiques. Ce sont aussi des enjeux féministes, car ils affectent de manière disproportionnée les femmes, notamment les femmes pauvres des pays en développement qui assument souvent les tâches liées à l’eau, à l’alimentation et aux soins.

Les écoféministes pointent également le langage : comparer les femmes à des animaux, parler de la « Terre-Mère » comme d’un territoire à conquérir ou à violer, tout cela renforce à la fois le sexisme et la destruction symbolique de la nature.

Repenser le lien femmes-nature

Historiquement, la culture occidentale a construit des dualismes hiérarchiques : homme/femme, culture/nature, raison/émotion, public/privé. Dans cette vision, tout ce qui est associé au féminin, à la nature et aux émotions est considéré comme inférieur. Ce lien entre femmes et nature a longtemps servi à justifier l’exclusion des femmes de la sphère publique.

L’écoféminisme ne rejette pas cette connexion, mais la réévalue. Plutôt que de la nier, il la célèbre — non pas en essentialisant les femmes, mais en reconnaissant que leur position sociale, souvent en marge des centres de pouvoir patriarcaux, leur offre un point de vue critique unique. Les tâches domestiques, le soin aux enfants, l’approvisionnement alimentaire : ces activités ancrées dans la corporéité et l’environnement sont au cœur de la vie, et pourtant elles ont été invisibilisées et dévalorisées.

Une éthique de l’interdépendance

L’écoféminisme rejette la hiérarchie et propose une vision écologique où toute vie est interconnectée. L’éthique qui en découle privilégie le soin, la confiance, la réciprocité et l’amour — des valeurs souvent écartées par les philosophies traditionnelles centrées sur les droits abstraits et la justice impartiale.

Cette approche, que certaines théoriciennes comme Karen J. Warren appellent « perception aimante », nous invite à transformer notre regard sur la nature : passer de l’arrogance à l’empathie, de la domination à la coexistence.

Pourquoi l’écoféminisme résonne-t-il aujourd’hui ?

Crises enchevêtrées, réponses intégrées

Changement climatique, pandémie, violences de genre, migrations forcées : les crises contemporaines sont multiples et entremêlées. Elles révèlent que les structures d’oppression sont interconnectées. Dans ce contexte, l’écoféminisme offre un cadre d’analyse puissant pour comprendre les liens entre justice sociale et justice environnementale.

Des mouvements comme Black Lives Matter ou les mobilisations autour de la COVID-19 ont ravivé l’intérêt pour des pensées qui articulent égalité et durabilité. L’écoféminisme apparaît alors comme un outil critique et constructif pour imaginer une société plus juste.

Le leadership féminin au service de l’environnement

Les recherches montrent que la participation des femmes à la gouvernance environnementale conduit à des politiques plus durables et équitables. Lorsque les femmes occupent des positions de décision, les agendas tendent à privilégier la durabilité à long terme et la justice sociale.

Un mouvement en réseau

Grâce aux réseaux sociaux, aux performances artistiques et aux mouvements de base, les principes écoféministes circulent désormais au-delà du monde académique. Des militantes comme Greta Thunberg ou des leaders autochtones citent explicitement ces valeurs dans leur lutte pour la planète. L’écoféminisme n’est plus seulement une théorie : c’est un mouvement vivant, porté par une nouvelle génération.

Petits gestes écoféministes au quotidien

Vous vous demandez peut-être : « Que puis-je faire concrètement ? » La bonne nouvelle, c’est que l’écoféminisme ne requiert pas de grands bouleversements héroïques. Il s’incarne dans nos choix de tous les jours.

Repenser sa consommation

Privilégiez les produits issus d’entreprises durables, de coopératives dirigées par des femmes ou de circuits courts. Soutenez les projets écologiques locaux, participez à des initiatives de partage de ressources. Chaque achat est un vote pour le monde que vous souhaitez construire.

Revaloriser le soin

Le travail domestique, la cuisine, les soins aux proches : ces tâches essentielles à la vie collective ont longtemps été invisibilisées. Adopter un mode de vie zéro déchet, utiliser des matériaux recyclés, consommer de manière consciente, c’est reconnaître que ces gestes quotidiens sont à la fois féministes et écologiques. Prendre soin de son foyer, c’est aussi prendre soin de la planète.

Il est également crucial de répartir équitablement ces charges au sein des familles et des communautés, afin que le soin ne repose pas uniquement sur les épaules des femmes.

Cultiver les liens communautaires

Rejoignez ou créez un jardin communautaire. Participez à des espaces de décision collective où le leadership féminin est valorisé. Des projets comme « Soil Sisters », qui intègrent l’hortithérapie dans des refuges pour femmes, montrent comment cultiver la terre peut aussi cultiver la résilience et le bien-être.

Vers un autre modèle de richesse

De la croissance infinie à la richesse relationnelle

L’écoféminisme nous pousse à nous interroger : qu’est-ce que la vraie richesse ? Plutôt qu’une croissance économique sans fin, il propose de valoriser la richesse des relations — entre humains, mais aussi entre humains et non-humains. Ce changement de paradigme n’est pas un retour en arrière, mais une avancée vers un avenir plus soutenable et porteur de sens.

Un avenir fondé sur le soin et la coexistence

L’efficacité, la compétition, la productivité : ces valeurs dominent nos sociétés modernes. L’écoféminisme leur oppose le soin, l’empathie, la réciprocité. Il imagine un monde où toute vie est respectée, où les processus naturels sont honorés plutôt que contrôlés, où l’économie sert les besoins de la vie et non l’inverse.

Ce modèle, biocentré, replace la satisfaction des besoins vitaux au cœur de l’activité économique. Il renoue avec le sens originel du mot « économie », issu du grec oikos (la maison) : gérer la maison du vivant.

Conclusion : chaque geste compte

Vous pensez peut-être que vos actions individuelles ne pèsent pas grand-chose face à l’ampleur des défis. Pourtant, lorsque nos choix quotidiens s’accumulent, ils forment une vague puissante. Commencez par ce qui vous touche : fréquenter un café tenu par une femme de votre quartier, discuter du partage des tâches à la maison, vous renseigner sur un jardin partagé près de chez vous. Chaque petit pas, aussi modeste soit-il, est une pratique de l’écoféminisme.

Les problèmes environnementaux et les inégalités de genre ne sont pas des abstractions lointaines : ils traversent nos vies. C’est pourquoi leurs solutions peuvent aussi naître de notre quotidien. L’écoféminisme nous offre une nouvelle manière de vivre, ancrée dans le soin, la connexion et le respect du vivant. Pourquoi ne pas commencer dès aujourd’hui ?

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